Le bio consolide ses positions
Après un bond de plus de 20 % en 2019 et de 7 à 8 % probablement cette année, la production française d’aliments pour animaux bio est toujours en croissance.
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Atteindre 25 % d’aliments bio dans les assiettes : voilà l’une des ambitions du programme européen Farm to Fork pour 2030. Nous n’en sommes qu’à 8 %, mais cet objectif conforte les fabricants d’aliments pour animaux dans le relais de croissance que constitue ce segment. Il devrait d’ailleurs dépasser en France les 620 000 t fin 2020, soit quasiment autant que les aliments pour ovins et caprins. La croissance continue, avec des prévisions de + 7 à + 8 % pour 2020, même si elle emprunte un rythme moins effréné.
La production d’aliments bio a en effet connu en France trois années de folie qui l’ont fait passer de 338 500 t en 2016, à 581 300 t en 2019. Au total, le segment a quasiment triplé en dix ans. Les opérateurs bio sont très spécialisés avec des acteurs historiques comme Aurouze ou l’Ufab (Le Gouessant) et d’autres qui y ont dédié des usines. C’est le cas de Sanders avec sa marque Alinat et ses trois sites de Guingamp (22), Rethel (08) et Allègre (30). Le groupe s’est investi dès 2011 en premier lieu pour approvisionner sa filière œufs.
Qui dit aliments bio dit matières premières bio. Le nouveau règlement européen qui devait entrer en application le 1er janvier 2021 vient d’être repoussé d’un an. L’annonce est tardive mais elle donne un peu de souplesse aux opérateurs.
L’alimentation va passer au 100 % bio
Le cadre légal va en effet réduire la part de C2 (produits en deuxième année de conversion bio) dans les aliments pour monogastriques, qui passe de 30 % de la formule à 25 %. La clause du lien au sol renforce de plus le besoin d’une production régionale des matières premières. Elles doivent provenir dans le meilleur des cas de la région administrative, ou sinon du territoire national. De plus, l’alimentation passera au 100 % bio, contre 95 % aujourd’hui. C’est principalement la fraction protéique qu’il va falloir sécuriser pour sauter le pas. Ce qui demande des ajustements car certaines matières premières ne sont pas disponibles en bio, comme le gluten de maïs ou les protéines de pommes de terre, deux ingrédients riches notamment en protéines qui compensent l’interdiction d’utilisation d’acides aminés de synthèse. Il faudra donc multiplier les matières premières dans chaque recette pour atteindre les profils nutritionnels nécessaires aux animaux.
Un équilibre précaire entre collecte et besoins
Le report d’un an de l’application du nouveau règlement soulage aussi les fabricants d’aliments face à un contexte de collecte de céréales compliqué cette année. Selon les dernières statistiques de FranceAgriMer en effet, la collecte 2020 de blé bio est en retrait de 16 % à 122 794 t par rapport à l’année précédente, celle de triticale accuse − 34 % à 39 975 t, et l’orge bio − 12 % à 34 502 t. Les ressources en C2 sont donc encore les bienvenues.
Mi-novembre, la récolte de maïs était par contre prévue en hausse de 53 %. Elle devrait flirter avec les 200 000 t sous un double effet. D’une part, les difficultés d’implantation des céréales à l’automne 2019 ont incité les producteurs à semer plus de maïs et, d’autre part, les zones ouest ont été correctement arrosées, même si l’est a davantage souffert. Au 1er octobre, la disponibilité en soja bio français était supérieure à celle de l’an passé (+19 %), idem pour le tournesol (+ 70 %), quand les pois (− 59 %) et la féverole (− 64 %) régressent. Mais la collecte n’était alors pas terminée.
Les circuits de matières premières sont différents des marchés conventionnels, avec peu de disponibilités en spots, ce qui rend les cotations non représentatives. Les marchés sont en effet très contractualisés et les mercuriales peu fluides, le marché s’organisant plutôt avec des contractualisations à long terme avec des OS ou des transformateurs, comme les meuniers pour le son.
La problématique des protéines « locales » se gère de mieux en mieux dans l’Hexagone avec des outils de trituration comme Craon (49) pour l’Ufab, Soleil de Loire à Ambillou-Château (49) pour Nutriciab (détenu avec la coopérative de Thouars), Sojalim (Sanders Euralis) à Vic-en-Bigorre (64), qui n’est toutefois pas 100 % bio contrairement à Oleosyn Bio à Thouars (79). Mis en service cet été, l’outil est détenu par Avril et Terrena. Ils visent à triturer 35 000 t de graines (colza, tournesol, soja) d’origine très majoritairement locale, pour alimenter les outils de fabrication d’aliments des partenaires industriels. « Nous avions prévu la saturation de l’outil pour 2023, mais ce devrait être beaucoup plus tôt, probablement dès 2021 », estime Philippe Manry, directeur de Sanders.
Le marché tiré par la pondeuse
La disponibilité en maïs, face aux volumes étriqués de céréales à paille, convient bien aux formules principales des usines bio : elles sont en effet avant tout destinées aux pondeuses (55 %), suivies par les poulets de chair (20 %). Substituer maïs et blé constitue un ajustement classique des recettes. Et cela, même si les utilisations de blé tendre ont été en avance sur celles de l’année dernière lors des trois premiers mois de la campagne (+ 8 %), et le maïs un tout petit peu en retard (− 1 %). Les flux vont naturellement se réajuster en fonction des disponibilités dans les silos. Avec la progression de la part des œufs bio (18 % des œufs en GMS, en hausse de 31 % l’an dernier), et même si la majeure partie des investissements en poulaillers semble réalisée, le marché devrait encore être tiré par la pondeuse cette année et l’an prochain.
Les bovins (11 %) et les porcs (10 %) sont assez loin derrière en volumes. Pour ces deux segments, le taux de pénétration des aliments bio est moindre car la majeure partie des aliments, fourrages et céréales, est produite et assemblée à la ferme. L’alimentation animale leur fournit donc principalement des complémentaires.
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